35ième SALON D'AUTOMNE INTERNATIONAL DE LUNEVILLE
Deux oeuvres de Barbara Zanconato sont en expo au Salon D’Automne International de Lunéville (8-31 octobre 2016). Le Salon, qui est à sa 35ième édition, a acquis dans le temps un relief de plus en plus important en lui faisant devenir l'exposition d’art contemporaine plus importante de l’Est de la France et une des manifestations françaises plus prestigieuses pour la provenance des artistes (plus des 20 Pays représentés cette année), pour leur notoriété, l’éclectisme et l’originalité des œuvres présentées.
Au Salon d’Automne Zanconato a présenté deux œuvres qui, en ligne avec sa production artistique de ces dernières années, ont une grande charge symbolique exaltée, d’un côté, par la choix des sujets et des titres, et de l’autre, par l’emploi de matériaux et moyens expressifs de fort impact émotif.
La première œuvre, du titre LILITH – THE SEARCH (2015), est relié à une ancienne tradition juive pour laquelle, au sixième jour de la création, Dieu créa l’homme et la femme: Adam et Lilith (même dans la Bible il reste une réminiscence de cette ancienne tradition quand dans Genesis 1,27 l’on lit «Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa»). Faite de la même pâte d’Adam (à différence d’Eve qui, après, sera créé d’une de ses côtes), provenant de la même volonté divine, Lilith nait et se sent comme Adam, qui, tombé amoureux de sa très belle copine, cherche de la soumettre et de la réduire à sa volonté, même du point de vue sexuel, en lui imposant de la surmonter pendant l’accouplement comme signe de sa supériorité. Cependant, Lilith refuse ces impositions d’Adam et elle ne s’assujettie pas à une condition d’infériorité et, à la fin, elle s’en fuit du Jardin de l’Eden. Dieu envoi trois anges à la chercher pour la ramener et pour la soumettre à Adam. Mais Lilith refuse d’exécuter les ordres de Dieu et son refus la condamne à un destin de démon et de symbole du mal.
De l’histoire de Lilith, Zanconato met à feu le point initial, c’est-à-dire que l’humanité toute, homme et femme, est faite «de la même pâte» et de la même volonté divine et, en particulier, la figure courageuse de Lilith qui, pour ne pas soumettre à un homme qui veut la réduire dans une condition d’infériorité et soumission (même sexuelle), le quitte et s’en va. Lilith rexiste même aux impositions de Yahweh qui, à son tour, la voudrait soumise à Adam.
Lilith devient pour Barbara Zanconato un archétype d’une conscience et d’une condition féminine qui, dans l’histoire humaine (que quelque féministe dirait «masculine») a eu comme débouché la diabolisation et la censure mais qui, en réalité, est à la recherche d’un milieu accueillant, respectueux des réciproques diversités qui font plus riches la vie et le monde.
Lilith – The Search représente cette double valeur: d’une côté la vision du respect réciproque, fondé sur l’absence de hiérarchies de genre préconstituées, dans lesquelles les rapports interpersonnels et sociaux ne sont pas fondés sur le concept de dominance que H. Laborit a mis clairement en lumière (H. Laborit «Eloge de la fuite»), et de l’autre le constat que cette vision, loin d’être même aujourd’hui une réalité établie, est quelque chose à rechercher, peut-être, même encore à bâtir. Lilith qui est faite de la même pâte d’Adam, et pour cela, pour origine certainement pas inférieure à lui mais, au contraire, comme lui libre d’agir selon sa propre nature, est, donc, l’archétype alternatif à Eve née d’une côte de son copain, et pour cela à lui soumise et dévouée. Lilith est donc le symbole de la femme qui a pleine conscience de soi, qui n’a pas besoin d’Adam, et, pour cela, est libre de s’en aller avec ce qu'a de plus cher. Mais aller où ? Et ici ça rentre en jeu la deuxième partie du titre qui ouvre à d’autres niveaux
d'interpretation de l’œuvre. La fuite de Adam et du jardin de l’Eden, en effet, pose tout de suite la question de la recherche (the search, en anglais): la recherche, en sens physique, d’abord d’un lieu où pouvoir se loger. Et ici le rappel à toutes ces femmes, chargées de leur fils, qui dans les dernier années ont trouvé la force et le courage pour quitter leur maisons détruites de la guerre et traverser la mer, pourrait être évident…
Mais, en même temps, la recherche pourrait aussi être celle d’une différente dimension humaine dans laquelle ils n’existent pas de prévarications ni questions de dominance: ceci c’est un sujet très cher à l’artiste qui, à ces propos, pourrait avoir choisi la scène française pour la présentation de cette œuvre même en relation aux faits qui sont venus au premier plan des reportages dans les derniers mois en France, c’est-à-dire le cas de Jacqueline Sauvage qui, avec son geste extrême de rébellion a mis fin aux violences du mari vis-à-vis d’elle et de leur fils et qui, malgré le plain support de l’opinion publique française, est encore en prison à purger une peine de meurtre.
La deuxième œuvre, du titre PUEDEN SER (2015), est la représentation d’un sentiment d’étonnement, si non même détournement qui nous arrive face à la nouvelle de certaines évènements, et de la successive instinctive pensée que «tout aurait pu être différemment», que «il aurait pu être si facile» éviter la survenance de certains faits… pueden ser tan faciles las cosas… comme, par exemple, éviter la tragique et absurde histoire de Antonella Penati et de son fils Federico. Il s’agit d’une histoire, même en ce cas, de violences et menaces à plusieurs reprises perpétrés d’un homme (mari d’Antonella et père de Federico) qui, pour cela a été dénoncé plusieurs fois et auquel le tribunal avait enlevé l’autorité parentale (donnée aux Services de Protection de l’Enfance). Eh bien, le 25 février 2009, pendant une «rencontre protégée» ordonnée du Tribunal de l’Enfance et tenue dans le siège des Services de Protection de l’Enfance de San Donato Milanaise, le père ne trouvait pas d’obstacles pour tuer le fils par un coup de pistolet et 24 coups de
couteau (Federico mourait après une heure d’agonie) pour se tuer juste après. Mais ce n’est pas tout: la mère s’est adressée à la justice pour mettre en évidence les responsabilités de ceux qui avait la garde de son fils, mais, après à peu près six ans de la mort, trois dégrées de jugement, la Cour de Cassation, avec la sentence du 28 janvier 2015, a décrété l’acquittement des accusés (operateurs et responsables des institutions qui aurait dû protéger et défendre le fils). Certainement, dans le cas d’Antonella Penati, qui tout avait fait pour rendre évidente et objective la menace du mari, PUEDEN SER…… certainement pour son fils Federico, qui aujourd’hui aurait seize ans, PUEDEN SER…. Mais une ceinture de barbelé presse dans un étau ces possibilités tragiquement réprimées.
Au-delà de la signification de chaque œuvre exposée au Salon d’Automne de Lunéville, il apparait évident, même dans ce cas, l’intention que l’on pourrait dire pédagogique si non sociale de l’activité artistique de Barbara Zanconato: la choix des œuvres semblerait caractérisée non pas d'une pure juxtaposition esthétique, comme il se passe souvent dans ce type de manifestations, mais surtout sur une affinité de thèmes qui s’entrelacent. Comment, en effet, ne voir pas le parallélisme tragique entre les histoires de Jacqueline Sauvage et d’Antonella Penati, comment ne pas penser, dans les deux cas : PUEDEN SER….
Et d’autre côté, comment ne pas entendre dans les deux mêmes cas, les échos de cette attitude de dominance, de ce sens de supériorité sur l’autre, duquel Lilith s’en est allée. Le sens de la dominance qui, dans les deux cas, a imprégné pas seulement les deux maris auxquels les femmes se sont opposées, mais aussi et surtout les institutions qui ont été impliquées. Il est évident, dans les deux cas, comment la complète manque de sens humain manifesté même de la part des juges, a amené à des décisions qui résultent encore incompréhensibles à l’opinion publique.
Encore une fois PUEDEN SER: il n’aurait pas été trop compliqué, même si pas prévu des codes (qui pour leur nature ne font que représenter une simplification de la réalité), comprendre les raisons de Jacqueline et d’Antonella… cependant, jusqu’à maintenant, les deux femmes restent écrasées dans un système qui les veut «meurtrière», l’une, et mère «hystérique et surprotectrice» l’autre. Mais, heureusement, l’esprit de Lilith qui les a animées jusqu’ici ne semble pas encore complètement éteint.
Deux œuvres celles de Zanconato, qui racontent des histoires mais qui, en même temps, nous posent des sujets et des questions sur lesquelles il est évident que deux des sociétés occidentales, comme celle française* et celle italienne, n’ont pas encore su trouver des réponses.
Oeuvres que, pour cela, ont, comme toujours arrive avec Barbara Zanconato, une forte valeur humaine et sociale parce qu’elles représentent une grande exhortation à accepter des points de vue différents et à substituer l’empathie à la dominance.
Il ne faut pas arriver au point que Lilith s’en aille: pourquoi pas accueillir et apprécier les diversités? Pourquoi pas les exploiter dialectiquement? ….
PUEDEN SER
Andrea Fallini
* Le 28 décembre 2016, le president François Hollande a accordé la grâce présidentielle à Jacqueline Sauvage "face à une situation humaine exceptionnelle" et pour cela la femme a pu regagner sa libérté.