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BEYOND THE GARDEN GATE
ARTSHOPPING 2018 Salon International d'Art Contemporain
Paris, Carrousel du Louvre 25-26-27 maggio 2018 
27 Avril 2018
Andrea Fallini
«BEYOND THE GARDEN GATE», la nouvelle exposition que B.Zanconato propose au Carrousel du Louvre de Paris à l’occasion du rendez-vous de printemps de ArtShopping 2018 représente une sorte de sommaire du discours que l’artiste a développé dans ses expos plus récentes, en particulier « Teshuvà » et « Der Suchende ». Après avoir montré quelques-unes des contradictions qui caractérisent la société actuelle, avoir souligné comme l'apparence représente la substance de beaucoup de questions, l'artiste tourne son regard plus loin, au-delà du périmètre de la vision prédominante du monde…
« Beyond the garden gate », la première oeuvre du nouveau parcours artistique donne le titre à l'exposition et il en représente la clé de lecture. L’oeuvre se compose de deux éléments principaux en tension entre eux: le premier, un résidu de porte ou de portail, soutient des éléments supplémentaires parmi lesquels ressortent un miroir brisé et deux affiches portant l’inscription « accès interdit » (No Entry); le deuxième se compose d’une chaise multicolore, recouverte par des caractères graphiques et par des écritures.
Tout, comme toujours dans le cas de la production artistique de B.Zanconato, se joue sur un plan symbolique. D’un côté, la barrière représentée par la porte qui, et ça c’est un pléonasme, tient les panneaux interdisant l’accès. Mais à bien des égards, plutôt qu’un barrage, ce qui nous est présenté, est une invitation à entrer (ou sortir) : la porte et les panneaux, en fait, portent les signes évidents du temps et de ses conséquences, ce qui indique une situation passée, datée et à surmonter. 
Et sur la porte sont placés des chaines brisées, traces d’une liberté conquise. De l'autre, la chaise à symboliser une situation d'immobilité si pas de confort, représentation d'une situation d’habitude et d’impasse, obtenue à l'intérieur d'une enceinte de certitudes assumées et jamais mises en discussion (emblématique, à cette intention, une des inscriptions sur le siège qui récite: «Nous construisons des grilles autour d'un noyau aride et pauvre, pendant que là dehors, autour d’elles et contre elles, s'agitent nos mouvements irrationnels auxquels, cependant, nous n'accordons pas de droit d'accès»).
Il est facile d'observer que l'oeuvre se prête à des niveaux interprétatifs multiples qui peuvent se relier, en partie, à la situation géopolitique internationale, dans laquelle les barrières, aussi douanières, semblent revenir de forte actualité. Mais, d'un autre côté, le temps modifie les choses et les situations et donc, devant des moments de profond changement comme ceux que nous sommes en train de vivre, il faut ouvrir l'horizon et dépasser la recette « habituelle » des temps passés.
De la même manière, l'oeuvre est symbole aussi d'un dilemme qui concerne chacun, aux prises avec les changements multiples qui se sont imposés, à tous les niveaux, dans la vie quotidienne. Et ce virage historique demande un réanalyse, sinon une révision complète, des paradigmes de la vie et des valeurs sur lesquelles elle se base. Celui-ci est l'invitation de l'artiste: c'est-à-dire de ne pas avoir peur d'aller à la recherche d'une nouvelle solution aux problèmes et aux difficultés d'aujourd'hui; de ne pas avoir peur de modifier ou troubler les visions du passé qui, à la lumière des changements en acte, se révèlent inaptes et dépassées; et d'ici l'exhortation à ne pas rester fixe sur des positions dépassées, traditionnelles, « de confort ».  

« Beyond the garden gate », renvoi, à son tour, à une petite sculpture qui a une grande force émotive : « Roots » (racines). « Roots » affronte un sujet extrêmement cher à l'artiste: celui de l'imprinting (empreinte) familial et de l'éducation dans l'enfance, des contraintes données des traditions et des liens familiaux.
Le symbolisme se développe ici à travers une multiplicité de perspectives et de sens de fond. Mais, sans descendre dans le détail de l'interprétation ponctuelle de la sculpture, le problème qui est posé regarde le sens profond de l'éducation et de l'amour parental: il s'agit, en effet, d'éduquer au respect de règles et de normes qui ont pour but principal d'uniformiser l'enfant aux préceptes familiaux et sociaux, éventuellement en bloquant et en déviant le tempérament et les prédispositions (pour ne pas parler de l’estime de soi), ou, au contraire chercher de personnaliser et puis développer ses aspects caractérisant, ses prédispositions, sa diversité et unicité? Certainement, cette deuxième possibilité s’avère moins confortable, plus dispendieuse en termes d'énergies et d'attentions, mais est-ce qu'elle ne poserait pas les bases pour une croissance forte et pleine de la personnalité future d'adulte, et même plus enrichissante pour celui qui en suit, tour à tour, les développements? Est-ce que ce ne serait pas une manière pour cultiver les nouvelles générations en leur donnant des bases solides pour le développement d'une autonomie forte et un exemple d'ouverture et de valorisation des diversités sans les contraindre dans des schémas préconstitués, souvent héritage de passés lointains aujourd'hui révolus?
La contrainte et la schématisation dans des modèles préconstitués représentent le sujet central d'une autre oeuvre en exposition: « WHAT'S YOUR NUMBER? » une sorte de sculpture murale, un casier dans lequel de nombreux et différents numéros se trouvent à l'intérieur de cellules. Parmi eux, quelques "nombres premiers" se trouvent enfermés à l'intérieur de véritables cages. Sur les côtés de l'oeuvre la question provoquante «WHAT'S YOUR NUMBER?», quel est ton numéro?
Si « Roots » pose un regard sur les relations que chaque individu, dans ses premières années de vie, établit avec les premiers milieux sociaux avec lesquels il vient en contact, la famille et après l’école, «WHAT’S YOUR NUMBER ?» aborde le sujet du difficile, souvent conflictuel, rapport individu-société: de la façon avec laquelle, d’un côté, la société cherche de réduire chaque individu à un numéro, à une entité abstraite et dépersonnalisée à gérer et encadrer pour faire que le même algorithme soit valable pour tout le monde, de façon que les statistiques soient remplies plus facilement et les données recueillies plus aisément. Et de l’autre, de comment l’individu se retrouve à vivre encadré dans sa petite case, dans un espace privé et vital dans lequel il peut exprimer sa propre vraie personnalité mais qui devient de jour en jour plus petit et étroit. Quelques-uns, peut-être plusieurs, ne se retrouvent pas dans cette logique de système dépersonnalisant et, comme les nombres premiers de la représentation de l’artiste, se ressentent en cage.
« SIAMO SOLO NOI » (nous sommes seulement nous), est la représentation du cri de solitude de ces « nombres premiers », réalisée par la forme d’expression typique de la rébellion urbaine : le graffiti. Et en effet, le geste du writer exprime de façon claire l’exigence d’affirmation de sa propre individualité, de l’affirmation de sa propre diversité (exactement comme celle des nombres premiers) vis-à-vis d’un monde qui tente à homologuer tout et tous.
« WHAT’S YOUR NUMBER ? » et « SIAMO SOLO NOI » (nous sommes seulement nous) ce sont des œuvres qui posent la question du vivre social, c’est-à-dire si le but de la société est de rendre uniforme la pensée et l’agir de chaque individu ou plutôt si, différemment, c’est à la société et aux structures sociales de devoir évoluer, de devoir s’adapter et se mettre au service des exigences de chaque composant, en valorisant la diversité et la pluralité pour en permettre la réalisation.
Et   cela   se   retrouve   dans   une   autre   œuvre  en expo :
« NONSENSE » (sans sens). Si dans «WHAT'S YOUR NUMBER?» le point de vue dominant est celui de la société qui cherche d’annuler les différences entre les personnes pour les réduire à des éléments purs sur lesquels opérer des traitements algébriques d’homologation, sauf isoler les éléments réfractaires et insoumis, dans « NONSENSE », comme dans « SIAMO SOLO NOI », le point de vue est celui de l’individu qui, en voyant sa propre vie canalisée dans un sillon déjà tracé, se pose la question douloureuse du sens de son propre être. 
« Mais – dit B.Zanconato – si la mentalité et l’éducation, en famille comme en société, renversaient la perspective et si la diversité devenait une valeur au lieu d’être une limite, si les différentes capacités et prédispositions des individus étaient encouragées dès la jeunesse et laissées libres de se développer et se réaliser, si le milieu (social) était fertile et prêt à accueillir le nouveau, s’il n’y avaient pas d’empêchements bureaucratiques inutiles à entraver et à empêcher l’esprit d’initiative et la créativité humaine, voilà que, alors, la question du sens des choses, de sa propre existence, acquerrait une valeur complètement différente. D’ailleurs, ce que nous voyons dépend des lentilles que nous portons (ou qu’on nous a fait porter) ».

Et l’œuvre intitulée « DEPENDE » (ça dépend) rend parfaitement, de façon artistique, le concept juste exprimé : un ready-made sur lequel, avec des interventions picturales minutieuses, B.Zanconato a représenté et rendu le change complet de perspective et de scenario selon le point d’observation.

Une autre création intitulée « ARE yOu H@PpY? » (es-tu heureux ?) déposée de façon provoquante sur le sol de l’expo, comme une sorte de paillasson à piétiner, pose une question gênante : es-tu heureux ?
« Tout le monde parle de bonheur. Si tu écoutes la publicité, le seul achat d’un tel produit te donnera le bonheur. Ça fait partie de l’imaginaire collectif le fait que le bonheur soit en relation avec un certain niveau économique et social. Même les indicateurs nouveaux qui substitueront le PIB (produit intérieur brut) des Etats tiendront compte du « bonheur moyen » (je me pose la question comment l’on peut mesurer le bonheur quand le définir est déjà un problème !). Et pourtant, peut-être, ça pourrait suffire observer les gens, leurs expressions, le matin, en attente du métro dans une des grandes villes européennes, pour voir que pas mal d’entre eux ne sont pas heureux malgré un bel habillement, le bon job et, en conséquence, le bon revenu et niveau de vie. Mais, peut-être, leur vie est trop frénétique, trop rapide et pleine d’engagements pour trouver le temps pour se poser cette simple question… Le regard fixe à terre alors qu’ils se promènent pour arriver à l’heure : c’est pour ça que j’ai posé « ARE yOu H@PpY? » sur le sol. Je voudrais chercher, au moins pour un instant, d’arrêter leur rythme frénétique et incessant et les amener à réfléchir sur eux-mêmes ».
Les mots de l’artiste amènent à une autre de ses oeuvres présentées au Carrousel du Louvre: « takE YOuR TimE », une invitation à réserver du temps pour nous-mêmes, à nous prendre une pause de la frénésie du courir quotidien pour nous arrêter à écouter les voix qui s’agitent et crient dans le fond de notre âme. Il s’agit certainement d’un geste important : se poser des questions sur les choses de la vie pour trouver notre réponse à nous.
D’ailleurs, si nous avons accepté de prendre soin de notre santé physique et de notre corps, en dédiant à la gym ou à faire du jogging une partie de notre temps précieux, pourquoi ne pas prendre soin de notre bien-être intérieur, de notre esprit, en dédiant un peu de temps à reconnaitre et à donner libre cours à nos sensations plus profondes? à réfléchir sur nos comportements et nos valeurs? à apercevoir ce qui bouge en nous face aux problèmes que nous pose la vie contemporaine ? à évaluer et à décider ce que nous voulons vraiment? à donner notre signification aux choses?
Les sujets de « ARE yOu H@PPY? » et « takE YOuR TimE » ouvrent à d’autres réflexions qui se retrouvent dans d’autres créations en expo. « BLA BLA BLA »  aborde le sujet de la communication dans la sphère publique, du bombardement de promesses plus ou moins sous-entendues auxquelles nous sommes soumis sur différents fronts de notre vie quotidienne. A commencer par le marketing et la publicité qui, comme dit, nous offrent le bonheur en échange de l’achat de tel objet ou tel produit ; pour continuer avec la politique, qui a rendu institutionnelle la « promesse en l’air » à laquelle, d’habitude, fait suite une série d’acrobaties dialectiques aptes à en démontrer la cohérence (théorique).
« BLA BLA BLA » est la représentation de la perte de signification de beaucoup de discours, sinon de la grande partie du langage courant, dans lesquels l’esthétique de l’expression prends toujours le dessus sur le contenu et donc la comparaison dialectique, qui pourrait avoir le but d’améliorer les positions initiales des deux parties, devient un combat d’éloquence avec l’évident objectif de prédominance sur l’adversaire. Un monde dans lequel la parole a pris une telle distance de sa signification d’avoir perdu son sens propre et d’en avoir acquis un nouveau, souvent instrumental. C’est pour ça que l’on est plongé dans un monde de bavardage (et donc de bla, bla bla, comme le titre de l’œuvre).
L’issue suggérée par l’artiste : d’avoir sa propre opinion, sa propre idée des choses ; d’apprendre à peser ses mots à la lumière des évènements ; discriminer ce qui est exercice pur de dialectique de ce qui a de l’importance et de l’épaisseur. Et pour cela, notre réflexion (voir « takE YOuR TimE ») devient fondamentale : c’est nous et notre conscience le crible qui discrimine et qui donne une valeur différente aux mots, aux choses et aux personnes.

« takE YOuR TimE » ouvre même une autre perspective : celle de l’importance d’apercevoir et écouter nos sensations, d’apercevoir et tenir compte de nos aspirations et nos tendances plus profondes et les employer comme mesure et crible du monde. Aussi parce que, dans tous les cas, ces émeutes, ces voix qui bougent dans le fond, tôt ou tard, d’une façon ou d’une autre, trouvent la manière de jaillir, peut-être, de façon et en temps inattendus.
Ceci est le sujet d’une autre œuvre en expo : « ERUPTION ». Il s’agit d’une œuvre intimiste qui donne la représentation de l’avancement irrépressible de ce sentiment de capitulation, de défaite profonde que ressent celui qui voit, tout d’un coup, de n’avoir pas vécu sa propre vie, c’est-à-dire de n’avoir pas suivi ses aspirations plus profondes, mises en cage et sacrifiées à quelque chose qui, après, s’est révélé décevant, inachevé… et, en considération du sujet de « ARE yOu H@PpY? », de n’avoir pas obtenu le bonheur promis comme inclus dans le type de vie que la société et les medias nous ont annoncé : toujours pressés sans un vrai pourquoi, sans un instant de pause pour évaluer si c’est ce que nous voulons vraiment.  

L’avertissement de « ERUPTION » trouve sa conclusion dans l’œuvre centrale de l’exposition : « ETHOS ANTHROPOI DAIMON ». Le titre reprend une des phrases sibyllines d’Héraclite qui, en pratique, peut être traduite avec la devise : « le caractère est le destin de l’homme », entendant avec le mot caractère (ethos) le système, conscient ou inconscient, de valeurs, de croyances, d’idées qui regardent lui-même et la réalité, et avec le mot destin (daimon) le but, la vocation pour laquelle chacun est né. Dans le monde grecque, en effet (voir, par exemple, le mythe de Er) était diffusée la croyance que l’homme passe sa propre existence nécessairement adressé vers ce auquel il est porté, vers ce auquel il est voué. Et c’est le daimon, son démon (une sorte d’ange gardien) qui le porte (vers son destin), c’est-à-dire une partie de son être qui a toujours bien clair le caractère de l’homme, imprimé de manière indélébile dans chacun. 
Et c’est exactement ça le message de B.Zanconato dans « ETHOS ANTHROPOI DAIMON ». Notre existence a un but, une raison d’être : mener à terme notre caractère, c’est-à-dire notre vocation et nos prédispositions. Pour l’artiste le bonheur est exactement d’atteindre la réalisation de ses propres capacités et vocations, peut-être, en laissant une trace de notre passage. Ce type de message n’est certainement pas nouveau. Même la culture grecque couvrait ce concept (le mot même bonheur, en grec eudaimonia, est composée de la partie eu, qui signifie bien, et da daimon, destin/démon).  

Toutefois, aujourd’hui ce message, au-delà des proclamations et des phrases vides de signification, va fortement à contre-courant. 
En effet, la vision matérialiste et économico-financière prédominante, qui est pénétrée dans les ganglions de la société et des comportements humains, porte à évaluer chaque action sur la base de notions de convenance, de retour d’investissement, de rémunération et de rentabilité et n’envisage pas la possibilité que les choix, les décisions puissent être prises sur la base de critères de type personnel, de caractère. Au contraire, les choix et les décisions personnels, pour assurer la meilleure performance, ne doivent pas se baser sur une analyse intérieure (c’est-à-dire un examen de conscience attentif) avec le but d’identifier sa propre vocation mais il faut les prendre sur la base d’une analyse approfondie des conditions externes (analyse des conditions de marché) pour identifier son propre positionnement et la meilleure stratégie d’affirmation : comme s’il s’agit de faire le lancement d’un nouveau produit. 
« Mais nous – dit B.Zanconato en conclusion – qu’est-ce que nous voulons (avons envie) d’être? L’énième nouveau produit à exposer sur les étagères du supermarché global qu'est devenu notre société contemporaine, qui englobe tout et son contraire, exactement parce que tout peut devenir marché, ou, au contraire, voulons-nous donner un sens à notre vie, reconnaitre et développer nos prédispositions et affirmer notre unicité ? Celle-ci, pour moi, est la vraie question à laquelle tous nous sommes appelés à donner une réponse parce que chaque réponse a un effet sur celle des autres et, en général, sur la société… »
Un grand merci à Thierry Mabille pour la révision de la traduction française.